Film : Les nuits fauves

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nodread
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Film : Les nuits fauves

Messagepar nodread » Jeudi 25 Juin 2009 00:32

LES NUITS FAUVES

En écoutant "Summer in Siam" des Pogues je me suis rappelé de ce film : Les nuits fauves de Cyril Collard.
Les nuits fauves est devenu un film-culte et son auteur-interprète, décédé à trente-cinq ans, le martyr exemplaire d'un terrible fléau. Loin de jouer les oiseaux de malheur, Collard débordait de vitalité. Il n'a pas filmé la mort au travail mais la fureur de vivre.


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Paris, 1986. Jean, 30 ans, est un chef-opérateur reconnu et doué. Lors d'un casting de pub il rencontre Laura, 17 ans, belle et passionnée. Le coup de foudre est immédiat et réciproque. Jean se donne entièrement dans ce nouvel amour mais oublie d'avouer à Laura sa séropositivité. Lorsqu'il le fait, Laura se révolte puis décide dans un élan romanesque de vivre sa passion pour Jean jusqu'au bout. Fragilisé par sa maladie, Jean recherche toutes les situations à risque et refuse la possessivité de Laura. Bisexuel, il drague sous les ponts pour quelques étreintes furtives avec des garçons, et veut aussi vivre son attirance pour Samy, un jeune émigré espagnol un peu paumé. Laura fait de plus en plus de scènes de jalousie et en perd la raison. Elle est internée dans un hôpital psychiatrique et Jean la perd de vue. Lorsqu'il la retrouve quelques années plus tard, guérie et mère d'un enfant, elle a perdu ses rêves d'absolu. Jean, sous l'influence de sa maladie, s'est ouvert à la vie et aux autres. Il lui téléphone du Brésil et lui déclare son amour, mais raccroche aussitôt.

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Date de sortie : 19 Octobre 1992
Réalisé par Cyril Collard
Film français, italien.
Genre : Drame
Durée : 2h 6min.
Interdit aux moins de 12 ans

Distribution

Cyril Collard : Jean
Romane Bohringer : Laura
Carlos López : Samy
Corine Blue : la mère de Laura
Claude Winter : la mère de Jean
René-Marc Bini : Marc
Maria Schneider : Noria
Clémentine Célarié : Marianne
Laura Favali : Karine
Denis D'Arcangelo : le chanteur réaliste
Jean-Jacques Jauffret : Pierre Olivier
Michel Voletti : Monsieur André
Aïssa Djabri : Kader
Francisco Giménez : Paco
Marine Delterme : Sylvie
Yannick Tolila : l'infirmière

La bande annonce

En vidéo ici

Deuxieme extrait

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Les enfants des «Nuits fauves»

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800 000 entrées. Des lettres d'ados par milliers. 7 nominations aux césars. Histoire en marche d'un film culte sur l'amour et le sida. La pédago en bleu et mauve.

Il se passe quelque chose au pays des «Nuits fauves». Un tremblement de terre, une guerre nucléaire, une implosion particulière. 800 000 spectateurs ont choisi pour patrie cet univers crépusculaire. L'univers de Cyril Collard, qui a reçu 4 000 lettres jaillies comme un cri: «Merci.» 4 000 lettres de jeunes qui lui confient leur désir d'appeler leurs enfants Laura ou Jean (les prénoms des héros), qui le tutoient tel un grand frère, lui racontent leur pèlerinage sur les lieux du tournage, lui envoient des poèmes et des fleurs, lui offrent leur sang et leur coeur. Parce que Cyril Collard, 35 ans, auteur, acteur et réalisateur des «Nuits fauves», bisexuel et séropositif, figure un héros suprapositif qui fédère les angoisses et les rébellions d'une génération; parce qu'il donne à leur vie une leçon, et un cours à leur amour. Et parce que ses «Nuits fauves» sont plus belles que leurs jours.
Ses nuits tissent le désordre d'une époque où se percutent un garçon de l'ombre et une fille de l'absolu, où se heurtent les mêmes sexes confondus, où la passion joue la déraison et le verbe «aimer» paume ses conjugaisons. «Il y a de la douleur dans cette histoire, une douleur qui procure de l'énergie; c'est la vie même», expliquait Cyril Collard au moment de la sortie du film, le 21 octobre dernier. Deux heures six qui brassent à travers l'aventure de Jean et de ses jules (un gars, Samy; une fille, Laura) l'actualité des 15-20 ans: bisexualité, séropositivité, drogue, romantisme, remontée du fascisme, solidarité, péché, foi, etc. Jean, 30 ans (Cyril Collard), Samy, 20 ans (Carlos Lopez), Laura, 17 ans (Romane Bohringer), trois personnages traversés par une crise d'identité et imbriqués dans une crise de société. «Les Nuits fauves» réservent aux adolescents, comme à leurs parents, un espace pour réagir et leur tendent un miroir pour réfléchir.
Réfléchir avant tout, et sans doute essentiellement, à une réplique de Jean, la dernière du film: «Je vais probablement mourir du sida, mais ce n'est plus ma vie: je suis dans la vie.» Entre Cyril et Jean, il n'y a pas d'écran. Cyril Collard avance dans l'existence - on l'a vu défendre son film à la télé - dans la bisexualité, dans le sida à visage découvert. Sa démarche de mec d'aujourd'hui, adolescent trentenaire, torturé mais assumé, son comportement transcendé par le courage et le mysticisme paraissent exemplaires. Car «Les Nuits fauves» changent le regard des gens sur les autres et sur eux-mêmes. Extraits de lettres, fragments de l'être. Yves, 18 ans, Tours: «Une immense phobie de la mort m'habite depuis l'enfance. Face à toi, cette peur me paraît ridicule, grotesque, sans fondement. Ton film m'a fait comprendre que ma vie avait un sens.» Christine, 20 ans, Nice: «Grâce à ton histoire, la mort cesse d'être absolue.» Stéphane, 18 ans, Orléans: «Je me sentais dériver, tu es la barre qui a su me redresser.» Simon, 19 ans, Montpellier: «Ton film m'a rendu moins pessimiste, moins désespéré, il me donne l'impression de m'assagir.» Dani, 17 ans, Paris: «Tu m'as galvanisé, j'aime la vie (plus qu'avant).»
«Les Nuits fauves», ou l'antidote aux paradis artificiels et suicidaires du «Grand Bleu». «Les Nuits fauves», ou la vie en travaux pratiques, loin de la fuite délétère et ambiguë du «Cercle des poètes disparus». Deux déferlantes qui ont dragué les dépressions adolescentes, mais que contrecarre Cyril Collard, sa fureur de vivre, sa conduite existentielle à ciel et à tombeau ouverts. «Pour les adolescents, les adultes ne semblent pas fiables affectivement; alors, ils ont d'immenses difficultés à identifier leurs émotions. Le film, sans répondre à leurs interrogations, renvoient le reflet de leurs contradictions», souligne Tony Anatrella, psychanalyste et auteur de «Non à la société dépressive» (Flammarion).
Les teen-agers se soûlent et se sauvent aux «Nuits fauves». «Même si, au départ, ce n'était pas le but de Cyril Collard, son oeuvre a une fonction pédagogique. Après tout, la fameuse scène de la capote [Laura préfère être contaminée plutôt que faire l'amour avec un préservatif] tient à une affaire de communication», confirme Jean-Marc Priez, responsable de la prévention des jeunes à Aides. Des jeunes qui - coïncidence! - se proposent comme volontaires à Aides. Et, dans les lycées, les proviseurs, soudain adultes, ferment les yeux sur le soufre du film pour provoquer des projections- débats bourrés à craquer. Les 15-20 ans savent qu'un monstre boulimique mine leur génération. «Les Nuits fauves» leur adressent la meilleure pub antisida.
Pour que ces «Nuits» en bouleversent presque un million, il a fallu en rassembler, des conditions. Attendre qu'une société 1993 qui embrasse sur la bouche un renouveau de l'ordre moral soit prête à accepter les liaisons fatales d'un bisexuel séropo - un homo en phase terminale aurait-il eu le même écho? Question: jusqu'où le cinéma est-il disposé à évoquer le sida? Relire l'encyclopédie «Sida au cinéma». Sur ce sujet, l'Amérique bien-pensante, obsédée par l'idéal de jeunesse et de santé, reste d'une lâcheté pathétique. Quelques studios indépendants ont pourtant tourné des bilans glaçants: «Parting Glances» ou «Un compagnon de longue date». Tandis que Hollywood, oubliant ses «Love Story» et autres «Tendres Passions», se planquait derrière de fausses raisons (sujet noir, trop connoté drogué-gay, sorry-end), balançait des métaphores: «La Mouche», «Dracula»... En France, à part «Encore (Once more)», de Paul Vecchiali, et l'allégorie «Merci la vie», de Bertrand Blier, il a fallu attendre «Les Nuits fauves» pour redresser les regards torves.
Histoire en marche d'un film culte que tout le monde refusa. Claude Davy, mentor et ami de Cyril Collard, le connaît depuis quinze ans. C'est lui qui l'a présenté à Maurice Pialat, côté assistanat («A nos amours», «Police»). Pialat, qui dira: «Il a tourné beaucoup de plans à ma place, et on ne voyait pas la différence.» C'est Davy, toujours, qui lui fait rencontrer Françoise Verny, éditrice de ses deux romans: «Condamné Amour» et «Les Nuits fauves» (Flammarion). «Cyril appartient à son époque, très naturellement. Il symbolise la vie triomphante.» Claude Davy qui l'aide à «monter» le film. «J'ai rencontré le Tout-Paris des producteurs. Le mot ??sida'' leur faisait peur. Seule Nella Banfi a dit banco.»
Nella Banfi, productrice et distributrice de Moretti, Bellocchio, Luchetti, se souvient. «Ce sujet m'a emballée: de la difficulté d'aimer aujourd'hui, avec, intégré à cette difficulté, le paramètre du sida.» Elle sait que, partout, ce sida, on le lui aboiera. «Je les ai tous appelés: y avait plus d'abonnés. Même les sponsors, toujours d'accord, se sont dégonflés. Même les associations de lutte contre le sida. Pourtant, moi, de la lecture du scénario à la première vision de trois heures, j'ai toujours su que ce serait un succès. Maintenant, le film est vendu à 15 pays, et on a reçu deux propositions américaines de remakes.» «Les Nuits fauves» font date. Il y a des signes, des chiffres, des indices, des traces: 25 000 exemplaires de la BO, 80 000 «Nuits fauves»/J'ai lu arrachés. Et 7 nominations aux césars.
Dans la foulée débarque «Mensonge», de François Margolin, qui marie aussi séropositivité et bisexualité. «Désormais, le sida passe en 3 D. Je ne vous raconte pas comment ce thème fout les jetons à la profession. Mais existe-t-il un seul film sans histoire d'amour?» intervient François Cuel, producteur de «Mensonge».
«Il faudra attendre une quinzaine d'années, comme pour le Vietnam, pour juger de l'apport du sida à la création artistique», pensait l'écrivain Alain-Emmanuel Dreuilhe, auteur de «Corps à corps» (Gallimard). De Aron à de Duve, en passant par Hocquenghem, Pancrazi, etc., le sida, de confessions en témoignages-fictions, entre en littérature, sans imposture. Ainsi Hervé Guibert, héros littéral. «Guibert était quelqu'un tiré à un unique exemplaire. Il est devenu une figure emblématique», commente Hector Bianciotti, son «editor». Le sida a infiltré les planches, via des oeuvres politiques, des visites inopportunes à la Copi. On l'a cerné ici ou là; une symphonie, une chanson de Barbara («Si d'amour à mort»). On a vu des artistes se donner la main pour engager des bras de fer contre le virus, des hommages à Freddie Mercury, des plans de solidarité patronnés par Liz Taylor, Elton John, Etienne Daho.
Mais la plus belle chaîne d'amour restera celle des «Nuits fauves», entre bleu et mauve. 4 000 lettres mises bout à bout, liées mot à maux, ça tresse une sacrée ligne de coeur, une intense ligne de vie.

Par Médioni Gilles, publié le 18/02/1993

La bande son

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En plus du titre de Noir Désir voici aussi le clip de La-Bas

1. La-Bas
2. Paradis
3. Ait Douz (Traditionnel)
4. Lifeline
5. La Rage
6. Walkman
7. La Chanson De Paco
8. Moving
9. Somewhere (Instrumental)
10. L'Oiseau Noir
11. Ay Que Dolor
12. Tu Ne Sais Pas Aimer
13. Me Quedo Contigo
14. Si Rien Ne Bouge
15. Someone
16. Sans Titre

Divers artistes tel que Noir Désir, Damia...


Cyril Collard : écrivain , musicien, acteur et réalisateur français

Cyril Collard est né le 19 décembre 1957 dans le seizième arrondissement de Paris. Il est élevé dans une famille bourgeoise et sans histoire, son père étant un ingénieur passionné par le judo et sa mère, une femme au foyer. Bon élève, il suit des études à l'école Saint-Exupéry de Versailles puis au collège de Passy-Buzenval à Rueil-Malmaison. Pour correspondre aux rêves de ses parents, après avoir obtenu son Bac, il suit des études à l'Institut industriel du Nord (actuelle Ecole centrale de Lille) à partir de 1977 mais le jeune homme ne rêve que d'une chose... Faire du cinéma ! Il aime aussi écrire et propose ses textes à une revue d'étudiants, « Le Fourre-tout ». Finalement, ce monde des ingénieurs ne lui correspond pas et Cyril Collard décide d'abandonner ses études à Lille et de revenir à Paris en 1979. Il touche alors un peu à tout : la publicité, le court-métrage, l'écriture, la musique mais c'est surtout le cinéma qui l'attire. Il est à l'époque l'un des rares artistes à évoquer sa bisexualité et va malheureusement contracter le virus du Sida lors d'un voyage à Puerto Rico. Cette maladie avouée va l'entraîner dans une spirale fatale.

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Il va travailler avec Maurice Pialat en tant qu'assistant-réalisateur sur deux films : « Loulou » et « A nos Amours ». Dans ce film, il va interpréter Jean-Pierre, un garçon doux bien que Cyril Collard soit à l'intérieur dévoré d'envie de vivre et assez difficile parfois. Pourtant, Cyril Collard a la bougeotte et il est incapable de se fixer sur un seul domaine. En 1983, Cyril Collard réalise un court- métrage, « Grand Huit » en noir et blanc, l'histoire d'Abdel qui est tué à bout portant par un policier dans une usine désaffectée.

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Puis ce sera le tournage du clip de « Maria Teresa » avec Sandrine Bonnaire dans le rôle principal et la même année, en 1985, Cyril Collard va réaliser un autre court-métrage, « Alger la Blanche », film primé treize fois dans le monde. Cette fiction raconte l'histoire de Farid, adolescent tourmenté qui a une relation homosexuelle avec Jean et qui finira par se suicider. En 1989, il publie son livre « Les Nuits Fauves » qui est un best- seller. Deux ans auparavant, « Condamné amour » était paru chez Flammarion. Il fait ensuite tourner Guillaume Depardieu dans « Taggers » en 1990, devenu un court-métrage culte aujourd'hui. En 1992, il adapte « Les Nuits Fauves » au cinéma en mettant au point le scénario mais aussi en composant la musique du film. C'est son amie qui a l'idée d'engager Romane Bohringer pour jouer Laura, une jeune fille amoureuse d'un bisexuel séropositif et elle sera époustouflante dans ce rôle. Dans ce film, Cyril Collard va se mettre en scène lui-même. C'est l'histoire de Jean, 30 ans, qui vit une passion amoureuse avec Laura, âgée de 17 ans. La passion romantique de Laura et la menace qui pèse sur la vie de Jean vont l'aider à aimer les autres et à aimer la vie.

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Cette oeuvre à la fois violente et brutale mais sensible et passionnelle a recueilli de nombreux prix tout en déclenchant de nombreuses polémiques à l'époque. Cyril Collard n'aura pas le temps de venir chercher ses récompenses (quatre César dont celui du meilleur film). En effet, il va s'éteindre du Sida le 5 mars 1993 à l'âge de 35 ans. Suite à son décès, Arte va annoncer la création du Prix Cyril Collard destiné à récompenser le réalisateur d'un premier film francophone avec une dotation de 200 000 Francs pour permettre au lauréat d'écrire et de réaliser un second long-métrage. Deux autres ouvrages de Cyril Collard vont être publiés à titre posthume : « L'Ange sauvage » et « L'Animal ». La principale oeuvre de Cyril Collard demeure « Les Nuits fauves », film tourné au Maroc et à Paris. Il y évoque l'évolution de la maladie, ses symptômes, le monde hospitalier, mais aussi l'homosexualité et la drogue. Dans son film, Cyril Collard raconte son histoire en insistant sur la fuite du temps et en nous faisant partager toutes les émotions de quelqu'un qui, à trop vouloir profiter de la vie, s'est brûlé les ailes. Une oeuvre dense, poétique et excessive parfois, qui traite sans détour et sans fausse pudeur des ravages du sida. Un film à voir et à revoir.


Je suis vivant, le monde n'est pas seulement une chose posée là, extérieure à moi-même : j'y participe. Il m'est offert. Je vais probablement mourir du sida, mais ce n'est plus ma vie : je suis dans la vie.

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Vendredi 5 mars - Cyril Collard meurt du sida

http://www.lexpress.fr/informations/ven ... 96584.html

Par Dagouat Marylène

Il est mort à 8 heures du matin, prenant de surprise tous ceux qui avaient voulu le croire invulnérable. Il est mort au début du jour, lorsque s'évanouissent les astres, lui, le cinéaste ensoleillé des «Nuits fauves», amateur de nuits troubles, pour qui l'ombre était un grand voyage, et dont la double nature se révélait à l'heure dite entre chien et loup. Cyril Collard, 35 ans, écrivain, acteur, poète, réalisateur, est devenu un mythe.
Il y aura plus de 1 000 jeunes anonymes à son enterrement, au crématorium du Père-Lachaise, tristes comme s'ils avaient perdu un ami. Ils seront 10 000 dans la rue, le 6 mars, à manifester «contre le sida». Près de 3 millions de Français ont vu son film et tous les ados ont reconnu, dans ce beau gosse charmeur et passionné, une partie d'eux-mêmes. La sortie des «Nuits fauves» avait été un événement dans le cinéma français, une décharge électrique dans une époque si pâle, si lisse. Que le sida ait fini par vaincre ce trompe-la-mort plein d'énergie fut un choc et une douleur. Collard nous a donc laissés entre les larmes et l'espoir, partagés.
Comment saisir le phénomène Collard, l'impact de son oeuvre si jeune, si brève, inachevée (un film, trois livres, quelques courts-métrages, un téléfilm, un disque)? Comment comprendre le cercle tissé autour du poète disparu? Le jeune homme n'est pas la première victime célèbre du sida. Mais il a inauguré une rupture de ton, dans cette décennie de maladie. A l'opposé d'Hervé Guibert, auquel il reprochait une complaisance morbide, un plaisir à «écrire tragique», Collard a pris le sida de front, sans lourdeur et sans drame. Et il a payé de son corps, beau, radieux, narcissique, pour parler de cette saloperie de virus.
S'il fallait rendre compte sommairement de l'avant et de l'après-Collard, on verrait qu'on lui doit beaucoup dans l'appréhension collective de la maladie. On lui doit d'avoir osé en parler sans pudeur, sans tabous, sans excès non plus. D'avoir rendu le sida plus familier, d'avoir montré que le séropositif n'est pas un «Alien», mais vous, moi, lui. Donc d'avoir dissipé la frontière de la discrimination envers les communautés à risque, les ghettos et les malades «honteux». En racontant une histoire très autobiographique, en s'engageant, en se faisant témoin du mal du siècle plus que modèle ou victime, Collard a balayé l'exclusion et mis le sida à sa vraie place à la fin des années 80: une ignominie qui menace tout le monde et pas un fléau arrivé par la faute de quelques-uns. Et parce qu'il a choisi la vie, la fureur, l'urgence, l'amour malgré tout, la dignité et l'humour plutôt que le bilan clinique et grave, il a cristallisé autour du personnage de Jean l'image d'un héros positif dans un monde possible. Ça n'est pas rien. Un coup de fouet, un élan neuf pour la génération sacrifiée des années sida, dont il est devenu le porte-parole involontaire.
Ainsi, d'après les médecins et les responsables d'Aides, le film a plus touché les jeunes que toutes les campagnes anti-sida réalisées jusqu'alors. Paradoxe, puisque le propos de Collard n'est pas essentiellement centré sur la maladie, la déchéance physique, les symptômes du mal, mais sur la présence du sida dans l'amour, dans les rapports aux autres, dans le sens de l'existence. Présence qu'il va jusqu'à nier, justement, au point de continuer tout comme avant. Et de faire l'amour avec Laura sans lui dire qu'il est séropositif. Le personnage de Jean, comme Collard, ne se présente pas comme un modèle de vertu. Il balance à la face de l'opinion ses désirs fous, sa bisexualité, ses amours glauques de parkings sombres, sa résistance aux normes, aux hypocrisies, au péché. Collard n'a jamais triché et c'est lui-même qu'il a mis à nu, qu'il a livré à l'état brut, au risque de choquer. Il a choqué, d'ailleurs. Son comportement fut jugé parfois irresponsable, voire meurtrier. Mais c'est sans doute cette authenticité, cette fusion au plus près de l'art et du réel qui ont fait tilt dans l'esprit des jeunes. Côté prévention, le film eut pour conséquence immédiate de faire prendre conscience du risque, évacuant d'un coup un paquet de croyances obscures: ça n'arrive pas qu'aux autres, aux homos, aux camés, aux hémophiles; même quand on s'aime, il y a danger de mort, par oubli, déni, égoïsme, désir, lâcheté ou autre, je suis, tu es, nous sommes... faillibles. De quoi ébranler toute la spontanéité de la jeunesse, si bien incarnée par Laura, l'amoureuse du film.
Car, si l'approche de la maladie décrite par Collard a fait écho chez tous les ados, celle-ci n'est pas au centre de son oeuvre. Le fond, l'essentiel dans lequel les jeunes se sont reconnus, tient à l'expression, par la personnalité même de l'individu, des malaises qui leur sont propres, de leur mal-être. Il met à plat des questions énormes, angoissantes, qui semblaient trop grosses pour le cinéma actuel: faut-il croire en la fidélité, comment aimer, qui aimer, y a-t-il des limites au besoin d'absolu? Entremêle, dans un désordre qui lui ressemble, qui leur ressemble, les thèmes de la frustration et de la révolte: le mouvement, la passion, la peur, la violence, la survie, la liberté, l'insatisfaction, la provoc', les bagnoles rouges qui foncent dans la nuit. Comme James Dean.
A travers la mise en images de ses nuits fauves et sauvages, sa dérive entre le sublime et le pervers, entre l'ange et le démon, entre le vice et la pureté, Collard traduit la confusion d'une époque, confusion des sentiments, de la rue, des repères, des identités. Il incarne un rôle moderne, libérateur, une sorte de troisième homme, viril et féminin, ni pédé ni macho, au confluent de tous les plaisirs. Les psys ont vu, entre le jeune homme et son public, le profil de l'immaturité, l'inachèvement de l'élaboration identitaire, l'enfermement narcissique. Peut-être. Mais, au-delà de cette possible identification, Collard a surtout réhabilité l'émotion.
Mieux que l'air du temps, rénové d'ailleurs par son style boulimique, débridé, rapide, par l'adéquation entre l'histoire qu'il raconte et les images qu'il montre, Collard inscrit l'amour contemporain par temps de sida dans un romantisme absolu, éternel, qui de tout temps allie la vie et la mort. Là aussi, confusion, tâtonnements. Dans son roman, Cyril écrit: «Puisque la mort doit venir, autant qu'elle soit portée par celui que l'on aime ou que l'on croit aimer.» Tout en voulant croire par ailleurs que sa magie chasse le danger, purifie. «Avec elle, je me sens propre», énonce Jean dans le film. Bref, l'amour rédempteur, salvateur, impossible et porteur de mort. Comment les gamins de notre époque auraient-ils pu être insensibles à cette fusion bizarre de la quête spirituelle et de la sensualité polymorphe, à cette question de rédemption que Collard laisse échapper à chaque écrit, à chaque image, et à l'idée, finalement, que «cette saleté» lui a peut-être appris à aimer, à devenir meilleur?
Au fond, le message qu'ont reçu ses milliers de fans tient en deux mots: carpe diem. Qu'est-ce qu'ils ont compris des images de Collard, de son histoire, de ses gros plans, de ses sourires, de sa belle gueule? Qu'il faut, même dans ces froides années 90, profiter de la vie, de chaque minute, à toute vitesse. Risquer tout. Chercher pour ne pas mourir. Expérimenter, repousser les frontières. L'image même de Collard flamboyant à l'écran réaffirme un message banal, intemporel et bêtement humain: regardez-moi, tant qu'on est en vie, on est immortel

Des lycéens, des garçons, encore plus de filles, tous anonymes. Ils étaient des centaines et des centaines à accompagner Cyril Collard au Père-Lachaise, le 10 mars. Le ciel était bleu, ce jour-là. Et le jeune acteur, en guise d'adieu, leur dédiait, sur un bristol, les dernières paroles de ses «Nuits fauves»: «Il fait beau comme jamais. Je suis vivant. Je vais probablement mourir du sida, mais ce n'est plus ma vie; je suis dans la vie.»





Sources : Première, wikipedia, deezer...
Rufflion Sound - Reggae addict

“whenever I start feeling sad cuz I miss you I remind myself how lucky I am to have someone so special to miss.”

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